Pré-rentrée

Aujourd’hui est un jour particulier.

La prérentrée. Un jour de transition. Un jour d’accélération.

Il y a encore un peu de détente, car aujourd’hui ce n’est pas encore « pour de vrai », les élèves ne sont pas là. On profite d’un moment de convivialité avec les collègues, tant qu’on a encore le temps. Mais au fil de la journée, le stress monte, car il y a encore tant à faire avant demain. Et avec le stress, le rythme s’accélère, et on retrouve au creux de l’estomac une tension familière.

Ce matin, c’est la prérentrée

Ce matin je me suis réveillée en mode prérentrée, même si ça fait un an que j’ai démissionné. Il faut dire que France 2 va faire une émission cette semaine sur les enseignants, en particulier ceux qui étaient passionnés au début, et ont vu leur motivation s’éteindre progressivement face aux difficultés du métier, jusqu’à démissionner. J’hésite à participer ….

Mon premier réflexe a été de dire que je n’étais pas concernée par l’émission : si j’avais finalement renoncé à enseigner, c’est moi qui en portais la responsabilité, qui n’avais pas réussi dans ce métier car j’étais hypersensible. Je n’avais pas envie de me poser en victime du système.

Retour sur 20 années à l’Education nationale

Et puis je me suis replongée dans les 20 années passées dans l’Education nationale comme professeur des écoles. Ça m’a été pénible, les moments difficiles, que j’avais occultés, sont remontés à la surface. Finalement, qui était responsable de mon abandon : le système ou moi ? Le système et moi ? Je vous laisse vous faire une opinion.

Formation, vous dites ?

Au début, il y a eu la formation à l’IUFM. Et le choc des premiers pas sur le terrain. Après deux ans de « formation », je n’avais qu’une vague idée de comment m’y prendre avec mes élèves. J’ai vécu un stage catastrophique en ZEP. Les élèves changeaient de place derrière mon dos. Se lançaient des chaussures. Une fois, je les ai conduits aux toilettes pour se laver les mains après une séance de peinture : ils ont couru partout et n’ont pas voulu se ranger. Le cauchemar. J’ai eu 2 visites, de profs d’IUFM qui ne m’ont été d’aucun secours car ils étaient totalement déconnectés de la réalité d’une classe.

Premières classes

A 24 ans, pour ma seconde année d’enseignement, je me suis retrouvée à la tête d’un CP-CE1 de 28 élèves, assorti de la direction d’une école de 2 classes. Une 3ième classe devait ouvrir, mais il n’y avait pas de salle disponible, il a fallu attendre la construction d’un Algeco en janvier. Un cours double. Un CP. A l’IUFM, on m’avait recommandé d’enseigner la lecture à partir d’albums car les méthodes n’étaient pas bien faites. J’ai fait du bricolage pédagogique…J’ai laissé tomber au bout deux mois heureusement, pour reprendre la méthode.

Je demandais aux remplaçants de passage comment faire pour les maths, j’étais perdue et déjà aphone en octobre cette année-là.

L’année d’après je m’en suis mieux sortie. J’avais appris sur le tas.

Puis j’ai été nommée sur une direction en maternelle. Je suis tombée dans une guerre de tranchées entre enseignantes et ATSEM. J’ai échoué à réconcilier tout le monde, passé une année dans des conflits sans fin.

L’engrenage

Je suis repartie, direction le primaire, CM2 cette fois. Entre-temps j’ai donné naissance à mon premier enfant. Elle ne faisait pas encore ses nuits quand j’ai repris. Et j’étais si angoissée de gérer des CM2, j’avais tellement le sentiment d’arriver sur la planète Mars, que moi non plus je ne faisais pas mes nuits, et j’ai démarré plusieurs années d’insomnies.

Après 3-4h de sommeil où je rêvais que j’arrivais en retard à l’école sans avoir rien préparé, je tentais de faire bonne figure, malgré mon esprit embrumé, les trous de mémoire, les mots qui ne venaient pas. Et plus je redoutais les insomnies, plus elles se répétaient.

Une directrice toxique

En désespoir de cause, je suis retournée en maternelle, où je ressentais moins de pression. Mais mon problème a perduré sous le joug d’une directrice toxique. Elle tyrannisait tout le monde en toute impunité, depuis des années. Je me suis battue pour conquérir le droit de manger à l’école à midi (elle faisait sa sieste au-dessus), obtenir du matériel, du papier pour la photocopieuse. Au début, je faisais les marchés aux puces pour acheter des jeux et des livres pour ma classe.

En parallèle, la mairie refusait de payer une ATSEM par classe, et je me retrouvais régulièrement seule avec mes 3O élèves, dont des PS.

C’est pendant ces années-là que j’ai commencé mon projet de reconversion, en reprenant des études à distance.

S’adapter encore

Après 7 ans, j’ai obtenu ma mutation, retour au primaire dans une grand école en zone urbaine sensible. Pas de manuel. Pas d’ordinateur. Une classe nue, avec une vieille moquette bordeau aux murs, un sol contenant de l’amiante. Je suis retournée au marché aux puces acheter des livres. Mon mari est venu avec sa perceuse me fixer un tableau. J’ai tout recommencé à zéro.

J’avais des élèves de CM1, de niveaux très hétérogènes, dont un élève en inclusion avec une AESH, et plusieurs en grosse difficulté. L’Education nationale venait de supprimer les réseaux d’aide aux élèves en difficulté. Il fallait se débrouiller seule, et faire des projets de réussite personnalisés.

Là encore, je me suis démenée pour y arriver, j’ai fait des groupes de niveaux, des projets.

L’année d’après, pour rendre service à l’équipe, j’ai accepté de prendre un CP le jour de la prérentrée. Déménagement, adaptation, encore. Une année super difficile, un des enfants mâchait son matériel, un autre faisait des bruits en se balançant, deux encore étaient en grosse difficulté.

Jeter l’éponge

C’est là que j’ai démarré ma formation de coaching. J’ai enseigné encore trois ans, en cumul d’activité. Avec toujours les mêmes obstacles : pauvreté du matériel pédagogique et numérique, difficultés croissantes des élèves, désengagement des familles. Mais en réunion et en formation pédagogique, il fallait produire de beaux tableaux avec des compétences, des objectifs, des progressions, et acquérir de nouveaux « gestes professionnels » dans l’enseignement de la lecture et des maths.

J’ai renoncé à espérer que les conditions de travail seraient meilleures ailleurs. Je n’ai même pas voulu rester en disponibilité, pour m’affranchir des autorisations de l’administration. J’ai posté ma lettre de démission, les larmes aux yeux.

J’ai donné beaucoup de moi, mais ça n’a pas suffi

Quand je regarde en arrière sur ces années, je me dis que j’y ai mis une énergie folle, au péril de ma santé. J’ai appris mon métier sur le tas, dans une grande solitude. La formation et l’accompagnement professionnels ont été très limités et totalement inadaptés à mes besoins. Les moyens matériels et humains ont été la plupart du temps insuffisants. La pression institutionnelle pour faire plus et mieux, a été, par contre, permanente. Je suis certainement plus sensible que d’autres à tout cela, mais c’est cette sensibilité qui me permettait d’être réactive aux besoins de mes élèves.

A celles et ceux qui continuent

Bonne rentrée à vous qui tenez encore le coup. Qui donnez toute votre énergie au quotidien. J’ai quitté le navire, mais je reste à vos côtés.

Que ce soit pour gérer la pression et le stress, comprendre ce qui vous épuise et trouver des solutions, ou choisir de vous reconvertir, je vous propose mon écoute et mon expertise.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Noémie GASSER

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